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Evaluation économique des engagements d'assurance-vie, une synthèse

Nous avions discuté dans un précédent billet l'intérêt des déflateurs pour l'évaluation "économique" des engagements en assurance-vie ; une synthèse des travaux réalisés pour arriver à cette conclusion est maintenant disponible dans la revue Opinions & Débats (numéro 20, janvier 2021).

Ce travail propose ainsi une synthèse de l'ensemble des points d'attention pour construire un modèle pertinent de calcul de la valeur best estimate des engagements d'assurance-vie.

Taux de mortalité en France depuis 1982

Dans ce précédent billet, la mortalité en France pour l'année 2020 a été rapprochée de celle des années 2018 et 2019. On prolonge ici cette analyse en mettant en perspective l'évolution du taux de mortalité global en France depuis 1982.

On obtient le graphique suivant ;

Orienté à la baisse de 1982 à 2004, le taux de mortalité de la population française augmente depuis chaque année. Ce taux est en effet déterminé par deux éléments évoluant en sens inverse : la mortalité à un âge donné, qui baisse tendanciellement de manière assez régulière depuis les années 1950 (et avant en enlevant les guerres) et la structure par âge de la population, dans laquelle le poids des personnes plus âgées croît. Depuis le début des années 2000, l'effet de vieillissement de la population (de l'ordre d'un cinquième d'année par an) l'emporte (cf. sur ce point le travail de F. Grouhel accessible ici). L'effet du vieillissement induit, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation du taux de décès moyen annuel entre 0,6 et 0,8 %.

On note que la mortalité globale en France est au niveau de celle de l'année 1986. Comme en 1986 la population était en moyenne 6 ans plus jeune qu'en 2020, on en déduit que les taux de mortalité à chaque âge étaient plus élevés que ceux de 2020. En d'autres termes, le risque de mortalité d'un individu est, en 2020, plus faible, toutes choses égales par ailleurs, qu'en 1986. Pour ceux qui sont assez âgés pour avoir vécu en 1986, la situation sanitaire de l'époque, pas si ancienne finalement, n'apparaissait pas mauvaise... L'aversion au risque des individus a vraisemblablement augmenté au cours des dernières années.

Enfin, lorsque l'on examine les variations annuelles du taux de mortalité, on observe une volatilité assez forte :

La déviation de l'année 2020 est du même ordre que celle de 2004, année où la mortalité a été sensiblement plus basse du fait de l'"effet moisson" de la canicule de 2003. On voit également la tendance à l'augmentation du taux de décès moyen, augmentation qui s'accélère avec le temps du fait de la convexité de la table de mortalité.

Au global, la mortalité de l'année 2020, si elle est sensiblement plus élevée que celle des années précédentes, n'atteint pas des niveaux catastrophiques.

Mortalité en France en 2020

La situation de mortalité en France sur la base des informations disponibles à début novembre  a été discutée ici. L'INSEE a mis à jour les décomptes de données qu'elle fournie sur le sujet, à jour au 29/12/2020 (voir cette page).

il est donc possible d'établir quelques constats factuels sur le niveau de la surmortalité en France en 2020 par rapport, notamment aux années 2018 et 2019 ;

	2018	2019	2020
Taille de la population	66 777 066	66 978 000	67 063 703
Nombre de décès	604 606	608 011	659 941
Taux de mortalité global	0,91%	0,91%	0,98%
Excédent de mortalité (nombre)	55 335	51 930
Excédent de mortalité (taux additionnel)	0,08%	0,08%
Surmortalité relative	9,2%	8,5%

On note ainsi que l'augmentation de mortalité est inférieure à 10 % ; exprimée en taux de décès additionnel venant s'ajouter au taux de décès constaté en 2018 ou 2019, on mesure ainsi un excès de mortalité de 0,08 %. Pour évaluer la sévérité de ce niveau, on peut le rapprocher de celle de la grippe de Hong-Kong de l'hiver 1969-1970 :

Excédent de mortalité grippe de Hong-Kong (1969-1970)	40 000
Taille de la population en 1970	50 763 920
Excédent de mortalité (taux additionnel)	0,08%

Même si d'un coté (France 2020), on considère la mortalité toutes causes sur une année et de l'autre (grippe de Hong-Kong), un événement à cheval sur 2 années, en faisant l'hypothèse raisonnable que la surmortalité de 2020 est la conséquence de la pandémie de Covid 19, on est conduit à conclure que les 2 événements ont, sur un an, des sévérités proches.

Par rapport au scénario de pandémie de sévérité bicentenaire de Solvabilité 2, la surmortalité de 2020 est de l'ordre de 50 % (on l'avait évalué à 1/3 début novembre avec l'impact de la première vague seulement). Ainsi la surmortalité de l'année 2020 reste modérée (en tenant compte des deux jours de mortalité non comptabilisés dans les chiffres ci-dessus. le taux de 0,08 % reste inchangé).

Enfin, on peut observer que, comme on l'avait évoqué dans ce précédent billet, le décompte des décès publié par SPF ne fournit pas un indicateur fiable de surmortalité : au 29/12/2020, SPF indique 64 000 décès attribués au Covid, alors que le nombre de décès supplémentaires est entre 53 et 55 000 selon que l'on regarde 2018 ou 2019 comme référence. En d'autres termes, entre 15 et 20 % des décès "Covid" de SPF ne sont pas directement liés au Covid et seraient intervenus sans la pandémie.